Les projets pour ce trimestre/The projects for this term
Le jardin poétique/Poetic garden |
Pourquoi la poésie ? J'aime les mots, les sons, le rythme, le langage. J'aime être encore surprise et perdue dans ma propre langue. J'aime qu'elle me déroute et m'emmène sans cesse sur des routes de traverse. J'aime que des hommes aient eu l'idée de s'en servir pour écrire de la poésie... La poésie, ce monde si méconnu, trop empreint de... de quoi ? De... je ne trouve pas les mots... Voilà, je suis perdue dans ma propre langue ! Le mot m'échappe, se cache quelque part pour que je parte à sa recherche, pour que je précise ma pensée ! Les mots des autres arrivent parfois pour nous sauver de ce vertige : "ringarde, dépassé, désuète ou carrément inutile la poésie ?" nous demande Jean Pierre Siméon dans son livre intitulé "La vitamine P, La poésie, pourquoi, pour qui, comment ? " et je continue avec lui car ses mots sont mes mots en cet instant, "je pense, à l'inverse, qu'elle est le ferment de l'avenir et que nous en avons aujourd'hui un besoin vital. Car il n'y aura pas d'avenir humain sans l'humain... Or, plus encore que les équilibres économique et financier, ce qui est en péril dans notre société, c'est l'humain, autrement dit ce qui fonde notre humanité : une conscience ouverte, la relation confiante à l'autre, la volonté d'un mieux-être individuel et collectif. La poésie est cette école d'humanité. Elle est à la portée de tous, l'occasion d'une compréhension dynamique du monde qui nous entoure et du monde que chacun est à lui-même." Merci Mr Siméon. Nous avons travaillé un poème d'Henri Michaux, Le Grand Combat. Ce poème est en grande partie écrit avec des mots qui n'existent pas, seuls les sons et le rythme font sens. Oh, frayeur de leur première lecture, une sorte de désespoir a jailli dans leurs yeux, la peur du manque de vocabulaire, la peur de ne pas comprendre, pourquoi tant de mots inconnus ! Et puis, je leur ai lu... Ils ont compris, bien sûr qu'ils ont compris. Mais ils n'ont pu s'empêcher quelques instants encore de chercher dans les mots un sens qui n'existait pas. Les sonorités ne leur suffisaient pas. Ils s'étonnaient eux-mêmes, comment pouvaient-ils comprendre des mots qui n'existent pas ? La magie des sonorités, du rythme et le talent de l'auteur ! Lorsqu'ils se sont laissés aller, lorsqu'ils ont arrêté d'avoir peur, le sens s'est enfin révélé par les sons... Alors des interprétations ont jailli, des histoires se sont emparées de ces mots sans définition dans le Larousse... Mes apprentis-acteurs se sont laissés guider par les sonorités, ils ont inscrit dans ces sons leurs propres émotions, ils ont lu avec leur propre vécu ses mots vides et des histoires sont nées. Oh que j'aime ces moments ! Les mots d'une langue ne sont pas grand chose sans l'émotion, l'histoire ou la valeur qu'on leur donne. La poésie est partout, il suffit d’ouvrir un oeil un peu différent, de laisser sa tête et son coeur travailler ensemble, pour faire d’un parapluie ou d’un chapeau une oeuvre poétique. Elle est accessible à tous, petits et grands, en parlant directement au coeur quelque soit sa langue. | Why poetry? I love words, sounds, rhythms, languages. I love being time and time again surprised and lost in my own language. I love that it takes me off track before taking me on new roads. I love that men had the idea of using it to write poetry... Poetry, still and forever an unknown world, too imprinted of... Of what? Of... I don't find the words... Here we go, I am lost in my own language ! The word won't come to my mind, it's hidden somewhere so I go look for it, so I get a more precise thought! Words from others sometimes arrive to save us from this vertigo: "ringarde, dépassé, désuète or completely useless poetry?" Jean Pierre Simeon asks in his book "La vitamine P, La poésie, pourquoi, pour qui, comment?" and I continue with him because his words in this instant, "je pense, à l'inverse, qu'elle est le ferment de l'avenir et que nous en avons aujourd'hui un besoin vital. Car il n'y aura pas d'avenir humain sans l'humain... Or, plus encore que les équilibres économique et financier, ce qui est en péril dans notre société, c'est l'humain, autrement dit ce qui fonde notre humanité : une conscience ouverte, la relation confiante à l'autre, la volonté d'un mieux-être individuel et collectif. La poésie est cette école d'humanité. Elle est à la portée de tous, l'occasion d'une compréhension dynamique du monde qui nous entoure et du monde que chacun est à lui-même." Thank you Mr Siméon. I have worked on a poem from Henri Michaux, Le Grand Combat. This poem is in big part written with words that don't exist, only the sounds and rhythms makes sense. Oh, scary on the first read, a sort of despair appeared in their eyes, the worry of lack of vocabulary, the worry of not understanding, why so many unknown words! And then I read it to them... They understood, of course they understood. But they couldn't help themselves they had to look in the words for some inexistant meaning. They surprised themselves, how could they understand words that don't exist? The magic of sounds, of rhythms and the talent of this author! When they finally let go, when they stopped being afraid, the meaning finally revealed itself by sounds... So interpretations appeared, stories took over the words with no definition in the Larousse... My actors learners let themselves be guided by sounds, they wrote in those words their own emotions, they read with their own memories these empty words and stories were born. Oh how much I love these moment! he words of a language are not much without emotion, the story or value that we give them. Poetry is everywhere, we just have to open our eyes, letting our head and heart to work together to make an umbrella or a hat a poetical work. It is accessible to all, young and old, speaking directly to the heart, whatever its language. |
Le grand combat - Henri Michaux
Il l’emparouille et l’endosque contre terre ;
Il le rague et le roupète jusqu’à son drôle ;
Il le partiel et le libuque et lui baruffle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage race à ri et ripe à ra.
Enfin il l’écorcobalisse.
L’autre hésite, s’espudrine, se délaisse, se torse et se ruine.
C’en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s’emmargine… mais en vain
Le cerceau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille,
Dans la marmite de son ventre est un grand secret
Mégères alentour qui pleurez dans vos mouchoirs ;
On s’étonne, on s’étonne, on s’étonne
Et vous regarde,
On cherche aussi, nous autres, le Grand Secret.
Il le rague et le roupète jusqu’à son drôle ;
Il le partiel et le libuque et lui baruffle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage race à ri et ripe à ra.
Enfin il l’écorcobalisse.
L’autre hésite, s’espudrine, se délaisse, se torse et se ruine.
C’en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s’emmargine… mais en vain
Le cerceau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille,
Dans la marmite de son ventre est un grand secret
Mégères alentour qui pleurez dans vos mouchoirs ;
On s’étonne, on s’étonne, on s’étonne
Et vous regarde,
On cherche aussi, nous autres, le Grand Secret.
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